Vestige historique régional et national

Ambohitr’Antsingy est un lieu chargé d’histoire.
Tout d’abord, ce site a été un lieu de découverte archéologique. Des ossements et des débris de poteries datant de 700 ans avant J-C ont été découverts dans une des grottes d’Andavakoera. Des ossements d’animaux actuellement disparus ont également été retrouvés. Parmi elles, les tortues géantes et les grands lémuriens.Ensuite , La Montagne des Français doit son nom à l’occupation du site par les militaires français au XXème siècle. Il fut un lieu de bataille où ont péri de nombreux malgaches et français.
Depuis quelques années ,  la Montagne est devenue aussi un lieu de pèlerinage.

Le plus ancien site archéologique de Madagascar

Au cours des dernières décennies, les détails sur la première colonisation humaine connue de Madagascar sont remontés plus profondément dans le temps sur la base de nouvelles études archéologiques et paléontologiques. En utilisant comme point de départ une étude fondamentale d’il y a près de trois décennies sur les archives archéologiques de l’île, Dewar et Wright (1993) ont avancé que la première preuve archéologique connue de la présence humaine sur l’île remonte au premier millénaire de notre ère (ère commune). Ceci était basé sur la datation au radiocarbone des restes d’ossement trouvé dans l’extrême Sud-ouest d’hippopotames (Hippopotamus), un groupe d’animaux récemment disparu sur l’île, qui ont été travaillés par l’homme (MacPhee & Burney, 1991). Par la suite, la date la plus ancienne de la colonisation humaine de l’île a été repoussée dans le temps, basés sur des ossements de lémuriens modifiés par l’homme, y compris des espèces qui sont actuellement disparues, récupérés à Taolambiby dans le Sud-ouest, datés au C14 environ avant le début du premier millénaire de notre ère (Perez et al., 2005). D’autres recherches ont conduit à d’autres dates qui ont été publiées par la suite et qui étendent la présence humaine sur l’île plus profondément encore dans le temps, y compris celles au radiocarbone des os d’oiseaux-éléphant (Aepyornis) de la « Christmas River » dans le Sud-ouest central, datés au C14 à 8650 BCE avec des marques de coupe faites par des humains (Hansford et al., 2018).

En ce qui concerne l’extrême Nord de Madagascar, le plus ancien site d’occupation humaine connu est un campement utilisé de façon saisonnière à la Montagne des Français et à proximité du site d’Andavakoera , en particulier l’abri sous-roche connu sous le nom de Lakaton’i Anja (également appelé les Grottes des Pintades dans la littérature) (Wright & Rakotoarisoa, sous-presse). Le site a été fouillé pour la première fois par Dewar et Rakotovololona (1992) et sur la base des couches supérieures, l’occupation initiale datait au C14 à environ 450 CE. Des fouilles ultérieures dans le site en 2011 et 2012 ont montré des couches plus profondes avec des preuves d’occupation humaine périodique de plus de 2300 avant notre ère à 400 CE, sur la base d’une datation utilisant la luminescence optiquement stimulée (abrégée en OSL ici à partir du nom en anglais « Optically Stimulated Luminescence ») (Dewar et al., 2013). Ces dates ont été remises en question (Anderson, 2019 ; Mitchell, 2019), mais selon Wright et Rakotoarisoa (sous-presse), elles sont dues à une confusion sur les techniques de datation d’OSL. En tout cas et surtout pour comprendre l’histoire de la présence humaine dans la Montagne des Français, basé sur des restes d’ossements découverts lors des fouilles, les personnes qui occupaient Lakaton’i Anja ont amené dans l’abri sous-roche des poissons et des crustacés à plusieurs kilomètres de la côte, et ont chassé des animaux forestiers locaux, y compris des lémuriens qui sont encore présents (Cheirogaleus, Hapalemur, Lepilemur et Eulemur), des lémuriens éteints (voir ci-dessous) qui existaient encore à cette époque et d’autres mammifères actuels (Tenrec).

Les forêts de la Montagne des Français sont exploitées par les humains pour leurs différentes ressources naturelles depuis la période préhistorique. L’aspect extraordinaire est que les personnes qui occupaient l’abri sous-roche ont utilisé des outils en pierre ; et des pointes de projectile et divers outils de grattage et de perçage ont été récupérés dans les vestiges archéologiques. Ces gens ont ainsi utilisé une gamme de ressources forestières à la Montagne des Français depuis près de 4000 ans.

Une question très pertinente doit être posée sur l’origine et les affinités culturelles des personnes qui occupaient la Montagne des Français il y a plus de 4000 ans. Hormis les outils de roche récupérés sur le site, aucun autre vestige culturel n’a été retrouvé à Lakaton’i Anja, et le manque de tels matériaux empêche d’indiquer l’origine de ces peuples. Des études de la génétique humaine sur les Malgaches modernes et des aspects sur leur origine peuvent potentiellement fournir un aperçu de cette question.

La recherche récente sur la diversité génomique humaine basée sur l’échantillonnage de près de 260 différents villages à travers l’île et de 2700 malgaches, y compris ceux du Nord de Madagascar et d’une gamme de peuples différents dans l’Ancien Monde a été publiée (Pierron et al., 2017). Les résultats des analyses génétiques indiquent une descendance commune de Bantou et d’Austronésien pour tous les Malgaches séquencés et une contribution limitée de l’Europe et du Moyen-Orient. L’importance cruciale pour la question sur l’origine des gens qui fabriquaient des outils en pierre à Lakaton’i Anja est que la colonisation Austronésienne de Madagascar date de 2000-3000 BP et les Bantous de 1500 BP, suggérant ainsi des événements de colonisation de l’île indépendants, qui étaient au moins 1000 ans après les dates avec l’OSL de Lakaton’i Anja. Dans les données génétiques humaines de Pierron et al. (2017), il n’y a pas de signal distinct de présence d’un autre clade génétique humaine qui pourrait être antérieure à ces deux événements de colonisation mentionnés ci-dessus, et qui pourrait représenter le vestige d’un ancien peuple utilisant l’abri sous roche.

Deux explications peuvent être présentées ici pour ce dilemme :

1) les dates avec l’OSL sont incorrectes et les gens qui occupaient le site faisaient partie des colonisations Austronésiennes-Bantoues ou

2) ces personnes anciennes avaient disparu de Madagascar avant les colonisations Austronésiennes-Bantoues et ne sont pas ainsi représentées dans la signature génétique moderne du peuple malgache.

Localisation des zones d’étude explorées auparavant dans la Montagne des Français.

Occupation du site par les Merina puis par les militaires français

En 1823, le roi Radama 1er envahit le Nord de Madagascar. Le plus puissant souverain de la région, le roi Antankarana Tsialana, pris dans des conflits de souveraineté, est obligé de se soumettre.
Pour assurer leur mainmise sur la région, les Merina créent un poste près de Vohemar, puis, en 1828 ils construisent le fort d’Ambohimarina, au sommet de la Montagne des Français, sur le promontoire qui fait face au Mont Reynaud. Ce fort deviendra le siège du gouvernement d’Antomboko
L’accès au trône de Tsimiaro, qui succède à Tsialana, va ouvrir une période d’affrontements incessants entre les forces merina d’Antomboko et les Antankarana. Ces conflits conduiront Tsimiaro à chercher des alliances étrangères, notamment auprès des Français.

A partir de l’installation française, en 1885, suite au traité par lequel le gouvernement malgache concédait à la France le Territoire de Diego Suarez, la co-existence entre les troupes merina d’Ambohimarina et la nouvelle colonie ne fut pas toujours harmonieuse, notamment en raison des problèmes de limite de territoire.

En 1995 , une guerre eut lieu entre les Merina et les francais , les troupes françaises s’emparèrent du fort d’Ambohimarina et l’occupèrent quelque temps.

Lieu de pélérinage

En 1956, le Père Perrin dirigea la mise en place de 14 croix : la grande croix placée près du sommet fut érigée par un groupe de chrétiens : elle portait l’inscription suivante : « Le samedi 24 mars 1956, le révérend Père Perrin étant curé de la cathédrale, nous avons dressé cette croix en souvenir des souffrances de notre Seigneur Jésus. Ensemble, mêlés, unis dans le même amour nous avons gravi la Montagne des Français, portant sur notre dos chacun une charge de 25 kilos….
Depuis, toutes les années, le dimanche qui précède les Rameaux, une grande partie de la ville, rassemblant, en tout œcuménisme, des chrétiens, bien sûr, mais aussi des athées, des musulmans et d’autres fidèles, se rend dès le milieu de la nuit « à la montagne » pour gravir le chemin de croix.

Lire la suite Lire moins

Création de l’aire protégée

La Montagne des Français a été considérée depuis longtemps comme candidat potentiel pour une nouvelle aire protégée en raison du niveau d’unicité bien connu de sa biodiversité, en tant que Zone Clé pour la Biodiversité à Madagascar (OMD-122 NAP de la Montagne des Français 3743) et une Aire Prioritaire pour la Conservation des Plantes (Ranivo Rakotoson & Razafimahatratra, 2018).

Le 28 avril 2015, le site est officiellement devenu une aire protégée (Décret n° 2015-780) sous le nom de Paysage Harmonieux Protégé d’Ambohitr’Antsingy – Montagne des Français (Goodman et al., 2018a).

 

 Le processus de la délimitation de cette nouvelle aire protégée a débuté en 2008 (Louis et al., 2013). Le site revêt le statut de Catégorie V de l’UICN. L’ancienne Réserve Forestière de la Montagne des Français, créée en 1955 selon l’Arrêté n° 823-DOM du 2 avril 1955 (5571 ha), a été intégrée dans le Paysage Harmonieux Protégé d’Ambohitr’Antsingy – Montagne des Français. Depuis sa création, l’aire protégée a été gérée par le Service d’Appui à la Gestion de l’Environnement (SAGE), doté du statut d’association nationale.

La création définitive de l’AP AA MdF et sa classification UICN en tant que PHP sont justifiées par la richesse biologique du site représentant une partie de la diversité biologique du grand de Nord de Madagascar et par les valeurs socio-économiques qui s’y reflètent tant sur le plan historique que sur le
plan social (cultuel et culturelle) de la région DIANA. Par cela, il n’est pas anodin de dire que les valeurs écosystémiques de cette aire protégée apportent la vie aux communautés locales ; outre la purification de l’air et la pluie dont tous et chacun bénéficie, le site est une source d’eau pour une grande partie des villages en périphériques que cela soit pour la consommation, les bétails ou l’irrigation. Afin d’assurer que l’AP AA MdF continue à fournir ces services écosystémiques dont nous dépendons, il est nécessaire de continuer les efforts de préservation de la biodiversité et d’assurer une meilleure gestion des ressources naturelles s’y trouvant.

Les actions entreprises de 2014 à 2019 sont louables de la part de toutes les entités co-gestionnaires du site ; les mesures de restaurations, de recherche, de
valorisation des ressources naturelles et l’appui au développement et au bien-être des communautés environnantes sont cependant à renforcer. Ceci permettra d’assurer la résilience de l’aire protégée face aux pressions et au changement climatique ainsi que de la population locale afin d’atteindre la vision de la Région DIANA.

Les objectifs d’aménagement et de gestion durant 05 ans avenir consistent à défaire les pratiques destructrices des ressources naturelles, telles que la carbonisation, le braconnage, le prélèvement des espèces rares, les défrichements forestiers tout en favorisant la transformation des valeurs culturelles, historiques et paysages en produits touristiques.
Pour atteindre ces objectifs, les stratégies de gestion sont réparties est dans 05 résultats attendus, à savoir :
Résultat attendu I : La conservation de la biodiversité et des ressources naturelles est améliorée
Résultat attendu II : La bonne gouvernance de l’aire protégée et la cogestion avec les communautés sont effectives
Résultat attendu III : La condition de vie des communautés est améliorée et les ressources locales sont valorisées convenablement suivant leur capacité de charge
Résultat attendu IV : l’aspect changement climatique est considéré dans les approches de gestion de l’AP
Résultat attendu V : La bonne gestion de l’AP est assurée

Face aux défis importants auxquels l’AP doit faire face, les appuis des organismes partenaires, gouvernementaux ou non gouvernementaux, nationaux ou internationaux, seront indispensables., Ils seront dirigés sur les appuis techniques du personnel de gestionnaire de l’AP, les Communautés de Bases (les VOI et les Unités locales de gestion) et des services techniques (dans le cadre de renforcement de capacités). Etant donné que le système de gestion l’AP est la cogestion, l’élaboration du plan de travail quinquennal et annuel des activités se fait avec des partenaires locaux de la cogestion, en vue d’inscrire l’approche de gestion de l’AP suivant le cadrage du PRD. Ces plans de travail permettront d’orienter les actions à mener et à identifier dans le temps et dans l’espace les besoins en termes de bonne gouvernance de cette AP. Ils permettront également d’appuyer les actions déjà entreprises et de solliciter d’autres appuis techniques ou financiers afin d’assurer l’optimisation des résultats et des impacts à court, moyen et long terme.
L’ensemble de ces activités permettrons de renforcer la gestion durable des richesses du site et une accentuation des performances de gestion. De ce fait, la cogestion ne serait pas utopique mais concrétisée par une gouvernance partagée, prometteuse d’un intérêt et d’un appui beaucoup plus actif aux communautés périphériques de l’AP.

Lire la suite Lire moins